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Jusqu’ici votre flamme ardente, noble et pure,
D’un soupçon d’intérêt m’a fait souffrir l’injure,
Mais je puis aujourd’hui faire voir à mon tour
Que l’amour ne veut point d’autre prix que l’amour.

PHILOXÈNE

Trop heureux Philoxène ! Ah, Madame, de grâce,
D’un vain emportement épargnez-moi l’audace,
Et par tant de bontés dont je reste confus,
Cessez d’enfler un cœur qui ne se connoît plus.
En vain d’un peu d’orgueil il tâche à se défendre
Quand de votre vertu l’éclat le vient surprendre,
Et qu’il est convaincu par un charme si doux,
Qu’il faut tout mériter pour être aimé de vous.
Je le suis, je le sais ; jugez dans cette gloire
Ce que la vanité m’autorise de croire,
Et sur quels sentiments, quoi qu’au dessus de moi,
Pour vous faire justice, elle soutient ma foi.

BÉRÉNICE

Malgré le sort jaloux vous conserver la mienne
C’est ne vous rien donner qui ne vous appartienne ;
Mais enfin pour ôter tout scrupule à mon feu,
De nouveau de mon père obtenez-en l’aveu.
Quoi que son ordre seul vous ait ouvert mon âme,
Mille soins empressés à soutenir ma flamme,
Quand je n’attendois rien de votre passion,
Me l’ont rendu suspect de quelque ambition,
Et j’en crains les effets après votre disgrâce.

PHILOXÈNE

Ne me déguisez rien de tout ce qui se passe.
Sans doute son conseil vous porte à me trahir,
Et votre devoir tremble à ne pas obéir ?

BÉRÉNICE

Ah, c’est un peu trop loin pousser la défiance.
Antaléon au Fort le tient en conférence,
Où loin que sa rigueur étonne mon devoir,
De votre chute encor il n’a pu rien savoir.
Mais l’ardeur dont je sens l’heureuse et douce atteinte,
Vous fait voir ma tendresse en vous montrant ma crainte,