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Tout le faste des Rois ne peut rien étaler
Qu’avec cet avantage il ne puisse égaler.

BÉRÉNICE

C’est aussi par lui seul que l’ardeur qui vous presse
S’attira de mon cœur la première tendresse.
Je vous l’ai déjà dit, qu’un amant couronné
Ne m’en fit point souffrir l’effort passionné,
Et qu’éloignant de vous la grandeur Souveraine
Je ne voulus y voir que le seul Philoxène.
Mais enfin aujourd’hui, si j’ose m’emporter,
Vous en êtes indigne en ayant pu douter.

PHILOXÈNE

Je l’avouerai ; j’ai tort de l’avoir fait paroître.
Votre amour jusqu’ici s’est fait assez connoître,
Et j’en garde, Madame, un souvenir trop cher
Pour céder au soupçon où je semble pencher.
Mais pardonnez au mien, dans un sort peu propice,
De ce doute affecté l’innocent artifice.
L’avantage d’un trône où je vous croyois voir,
Flattoit ma passion d’un glorieux espoir,
Mon âme à ce doux charme à peine s’abandonne
Que je n’ai plus pour vous ni Sceptre ni Couronne,
Vous demeurez Sujette, hélas ! quand je les perds,
Et pour me consoler d’un si rude revers,
Quoi que sûr d’être aimé lorsqu’il m’ôte un Empire,
Est-ce trop de chercher à vous l’ouïr redire,
Et voir céder par là dans ce funeste jour,
L’aigreur de la Fortune aux douceurs de l’amour ?

BÉRÉNICE

Quoi que de ces douceurs le vôtre puisse croire,
N’en cherchez plus l’appas aux dépens de ma gloire,
Et songez que c’est faire un outrage à ma foi ;
Que me laisser penser que vous doutiez de moi.
Dans votre abaissement si quelque appas vous flatte,
C’est de voir que par lui tout mon amour éclate,
Et que quand la Phrygie ose s’en défier,
Le Destin prenne soin de le justifier.