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Qu’avons-nous mérité lorsque le ciel nous donne,
Par le seul droit du sang, l’espoir d’une Couronne,
Et que ce privilège autorisé des Dieux
Nous place dans un trône où furent nos Aïeux ?
Comme ce n’est l’effet que d’un bonheur insigne,
La chute en est sans tâche à qui n’en est point digne,
Et le Ciel ne peut rien qui nous force à rougir,
Quand notre lâcheté ne le fait point agir.
Le Roi de son erreur voit la preuve certaine ;
Pour n’être plus son fils, suis-je moins Philoxène,
Et le dehors sujet aux derniers accidents
Peut-il mêler quelque ombre à l’éclat du dedans ?
Si toujours la grandeur et d’âme et de courage
Fut d’un illustre sang le précieux partage,
C’est beaucoup d’avoir su la posséder au point
D’avoir été cru Prince, et de ne l’être point.
Au moins ai-je ce bien qu’il m’est permis de croire.
Qu’à ma seule vertu je dois toute ma gloire,
Et qu’à lui consacrer et mes soins et mes jours,
Mon cœur n’avoit besoin d’aucun autre secours.

PHILOXÈNE

Ainsi sur vous le sort exerce en vain sa haine.

ROI

Demeurez donc toujours ce même Philoxène,
Et de nos Factieux poussant l’audace à bout,
Attendez tout d’un Roi qui veut vous devoir tout.
Prenez auprès du trône une si haute place,
Que l’envie…

PHILOXÈNE

Ah, Seigneur, épargnez-moi de grâce,
Et songez que ce n’est que d’un cœur abattu
Qu’on doit par ces motifs exciter la vertu.
Si j’ose toutefois, en faveur de ma flamme,
Permettre à mes désirs de vous ouvrir mon âme,
Je vous demanderai que pour donner sa foi,
Bérénice à son choix ait l’aveu de son Roi,
Et que ne s’engageant par respect ni par crainte,
Son cœur puisse aujourd’hui s’expliquer sans contrainte.