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Scène VI

Le Roi, Philoxène, Philoclée, Anaxaris, Hésione.
ROI

Et bien, ne trouvez-vous aucun lieu de douter
De ce qu’à Cléophis vous oyez imputer ?

PHILOXÈNE

Seigneur, le Ciel est juste, et je dois sans murmure
Abandonner un rang que m’acquit l’imposture ;
Tout ce que je rappelle en mon esprit confus
Ne m’en fait que mieux voir le criminel abus.
Ces tendres sentiments dont le Roi, dont la Reine
N’ont jamais honoré le triste Philoxène,
Au Prince Alcidamas accordés tant de fois,
Étaient de la Nature une secrète voix,
Et dans ce que pour moi Cléophis a su faire,
Je vois paroître enfin toute l’ardeur d’un père,
Qui prenant sur mon cœur un empire permis,
Le presse de se rendre, et lui demande un fils.

ROI

Que je vous tiens heureux dans ce malheur extrême
De vous pouvoir si bien répondre de vous-même.
Que sans peine on vous voie, en de si rudes coups,
Contraindre votre sort à dépendre de vous !

PHILOXÈNE

Quoi, par l’accablement d’une âme lâche et basse
L’on me verroit, Seigneur, mériter ma disgrâce,
Et cédant au revers qui désabuse un Roi,
J’aiderois au destin à triompher de moi ?
Non, non, à quelque excès que son caprice monte,
Il m’ôte un rang bien haut, mais je le pers sans honte,
Et cet abaissement arrivé par hasard
N’est qu’une foible injure où je n’ai point de part.