Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

Par l’éclat de l’hymen où son choix vous engage,
Il vous exclut d’un rang qu’il faut que je partage,
Et de quelque beau feu qu’on se vît consumer,
Sitôt qu’un Roi l’ordonne, on doit cesser d’aimer.

ANAXARIS

Ah, que ce pur amour qui règne dans mon âme
Mêleroit de foiblesse à l’ardeur qui m’enflamme,
Si pour naître ou s’éteindre il pouvoit prendre loi
Du respect que je dois aux ordres de mon Roi !
Non, non, Madame, non ; quand ce cœur qui soupire
Prendroit dans son aveu l’audace de le dire,
Vous m’en verriez encor, d’un vrai zèle animé,
Faire un plein sacrifice aux yeux qui m’ont charmé,
Et sur ce bel espoir ma passion extrême
Ne voudroit contre vous employer que vous-même.
Toujours toute soumise, et prête à le quitter
Dès le moindre soupir qu’il vous pourroit coûter.
Mais aussi son pouvoir, quelque loin qu’il s’étende,
Ne peut rien m’opposer que ma flamme appréhende,
Et toute sa rigueur n’ayant qu’un foible effort,
Vos seules volontés font l’arrêt de mon sort.
En vain je chercherois plus longtemps à me taire,
L’amour n’est point amour s’il n’est que volontaire,
Une douce contrainte est son plus cher appas,
Et l’on aime bien peu quand on peut n’aimer pas.

PHILOCLÉE

Je ne puis déguiser que c’est avec surprise
Que je remarque en vous une ardeur si soumise,
Et que j’aurois pensé que dans ce grand projet
Votre amour n’eût en moi qu’un trône pour objet.

ANAXARIS

Quoi qu’il se dût montrer sensible à cette injure,
Un trop juste respect me défend le murmure ;
Mais pour mieux repousser un soupçon si honteux,
Si contre votre rang j’osois fermer des voeux,
Et dans une autre main, sans vous faire d’outrage,
Du Sceptre qui vous suit souhaiter l’avantage,