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PHILOCLÉE

Avec assez d’espoir,
Puisque si la Lydie en détruit l’entreprise,
Bérénice à vos vœux sans obstacle est acquise.

ANAXARIS

C’est me connoître mal que de le présumer.

PHILOCLÉE

Est-ce que vous croyez qu’il soit honteux d’aimer ?

ANAXARIS

Que dites-vous, Madame ? Ah, bien loin de le croire,
De cette passion je fais toute ma gloire,
Et peut-être jamais une si belle ardeur
Pour un plus rare objet ne régna dans un cœur.
Mais telle est de mon sort la dure tyrannie,
Que souffrant à la taire une peine infinie ;
Je dois trembler pourtant qu’un soupir indiscret
N’en ose malgré moi découvrir le secret.
Il me perdroit, Madame, et vous-même sans doute,
Loin de plaindre l’effort que cette ardeur me coûte,
Vous y trouveriez lieu d’armer votre courroux,
Si ma témérité se déclaroit pour vous.

PHILOCLÉE

Quoi qu’autrefois peut-être elle eût pu me déplaire,
Je veux bien aujourd’hui l’apprendre sans colère,
Et ne voir rien en vous indigne de ce choix
Qu’ordonne la Phrygie, et que règlent nos lois.
Depuis qu’Antaléon, pressé de jalousie,
Contre son Souverain a ligué la Mysie,
Et que de ses desseins par Araxe trahis
Il s’est voulu venger sur son propre pays,
Par cent exploits fameux qu’a suivis la victoire,
Vous vous êtes ouvert un chemin à la gloire ;
Mais quoi que pour l’État vous ayez entrepris,
Cette gloire peut-être en est un digne prix,
Et quand il seroit vrai qu’un Sujet téméraire
Aurait droit d’en prétendre un plus ample salaire,
Ce trône qui m’attend n’exempte pas ma foi
De soumettre mes vœux aux volontés du roi.