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Je sais que votre père, étant ce que vous êtes,
S’abaissa pour aimer une de ses Sujettes,
Et qu’à fléchir le Roi ne voyant aucun jour,
L’hymen à son insu satisfit son amour.
Mais quelle suite ! À peine entrez-vous à la vie
Qu’il vous faut en tumulte enlever de Lydie.
Votre Mère traitée avec indignité,
Hors d’état de vous suivre, en perd la liberté,
Et si la prompte mort de ce Roi trop sévère
N’eût bientôt à son trône appelé votre père,
Cette injuste prison, cet exil rigoureux,
Auraient puni longtemps un Prince malheureux.
Non, son destin en vain semble régler le nôtre,
Mon amour est trop pur pour abuser du vôtre,
Et souffrir qu’un Hymen contraire à ses desseins
Vous fasse mériter les malheurs que je crains.

PHILOXÈNE

Ô sévère vertu, dont la fière maxime
Sans l’appui du devoir ne croit rien légitime !
Au moins s’il faut tout craindre en l’état où je suis,
Voyez ce que je fais, et non ce que je puis,
Et l’espoir à l’amour étant si nécessaire,
Faites…

BÉRÉNICE

Vous le voulez, et bien, Seigneur, j’espère ;
Mais quoi que votre foi m’y serve de soutien,
Je sais trop qui je suis pour l’obliger à rien.

PHILOXÈNE

Quoi, si l’on me pouvoit forcer à la reprendre,
Pour l’engager ailleurs vous pourriez me la rendre.

BÉRÉNICE

Après les sentiments que j’ai fait éclater,
Sans blesser ma vertu vous n’en sauriez douter.

PHILOXÈNE

Et votre amour par là m’explique sa tendresse ?

BÉRÉNICE

Que vous êtes cruel de presser ma foi blesse !