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Dom Alvar

L’opinion publique.
C’est peu pour négliger un devoir si pressant
Que mon cœur en secret vous déclare innocent,
À l’erreur du public c’est peu qu’il se refuse,
Vous êtes criminel tant que l’on vous accuse,
Et mon honneur blessé sait trop ce qu’il se doit
Pour ne vous pas punir de ce que l’on en croit.

Dom Lope

Quoi, sur un bruit si faux…

Dom Alvar

Vous m’en devez répondre,
Avant que vous revoir j’ai voulu le confondre ;
Mais en vain en tous lieux je me suis informé,
On ne nomme personne, ou vous êtes nommé.
J’affaiblis ma vengeance à la voir différée,
Sortons.

Dom Lope

Et l’amitié que vous m’aviez jurée ?

Dom Alvar

Telle est de mon honneur l’impitoyable loi,
Loin qu’un ami l’arrête, il n’a d’yeux que pour soi,
Et dans ses intérêts toujours inexorable
Veut le sang le plus cher au défaut du coupable.

Dom Lope

S’il faut donner le mien, changez au moins l’arrêt,
Qu’aimer soit tout mon crime, et le voici tout prêt :
Oui, punissez en moi ce respect téméraire
Qui poussé par l’amour ose paroître et plaire,
Et donnant sans regret ce qu’il faut m’arracher…

Dom Alvar

Ah, que je punirois un crime qui m’est cher !
Vous l’avouerai-je enfin ? j’aime, hélas ! Et nos âmes
Avec même secret brûlent des mêmes flammes.
Même objet asservit et l’un et l’autre cœur,
Si vous aimez ma sœur, j’adore votre sœur…