Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/181

Cette page n’a pas encore été corrigée

On me l’a fait promettre, et j’ai feint…

Jacinte

Ah ! Mon père.

Dom Sanche

Non, quand ce seul moyen me pourroit satisfaire,
Ne crois pas, quelque éclat que mon malheur ait eu,
Que j’abuse jamais de ton trop de vertu.
Je sais que tu le hais, je sais que la vengeance
T’ayant mis dans le cœur toute sa violence,
Tu souffrirois bien plus à lui donner la main,
Qu’à lui plonger toi-même un poignard dans le sein.
À ces grands mouvements abandonne ton âme,
Donne-toi toute entière à l’ardeur qui l’enflamme,
Et s’il faut…

Dom Alvar

Cet avis ne nous rend pas l’honneur,
Mon père, et vous gênez la vertu de ma sœur.

Dom Sanche

Ah ! si tu connoissois quel noble sacrifice…

Dom Alvar

Elle sait de nous deux qui lui rend mieux justice.

Jacinte

L’apparence, mon frère, est trop à soupçonner…

Dom Alvar

Il n’est pas temps, ma sœur, de rien examiner.

Dom Sanche

Oui, c’est trop en effet lui dérober la joie
Que lui permet le Ciel au bonheur qu’il m’envoie,
Étouffe ce chagrin où ton cœur s’est plongé,
Encore un peu, ma fille, et ton père est vengé.

Jacinte

Vous, mon père, et de qui ?

Dom Sanche

De cet ennemi même
Dont pour toi le seul nom est un supplice extrême.
Crois-le déjà sans vie, et par un doux transport
Tâche de t’avancer le plaisir de sa mort.