Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/152

Cette page n’a pas encore été corrigée
Flore

Le voici, souffrez-lui quelque espoir.

Cassandre

Non, Flore, éloignons-nous, je ne veux point le voir.


Scène VI


Dom Alvar, Cassandre, Flore

Dom Alvar

Me fuyez-vous, Madame, et portez-vous envie
À ce foible bonheur, le dernier de ma vie ?
Dans ce qu’il fait pour moi n’ayant aucune part,
Pourquoi vous opposer aux faveurs du hasard ?
Est-ce qu’en votre cœur l’excès de ma disgrâce
Fait succéder la haine à l’amour qu’elle en chasse,
Ou que ce même cœur pour moi trop rigoureux,
Croit que s’il n’est cruel il n’est point généreux ?

Cassandre

Mon cœur n’est point cruel, et ce n’est pas sans peine
Qu’il vous entend parler et d’amour et de haine,
Car enfin quelques maux qu’il puisse ressentir,
L’une n’y peut entrer, mais l’autre en doit sortir.

Dom Alvar

C’est donc ce qu’à mes feux, après deux ans d’absence
Vous réserviez pour prix de ma persévérance ?
Encore si votre cœur moins sensible à ces feux
Par quelque aversion échappoit à mes vœux,
Si la haine m’ôtait ce qu’il faut que je quitte,
Je n’en accuserois que mon peu de mérite,
Et sur mes seuls défauts jetant un œil jaloux,
Je me plaindrois du Ciel sans me plaindre de vous :
Mais par une rigueur qu’on aura peine à croire,
M’arracher de ce cœur fait toute votre gloire,
Et ces traits que l’amour lui-même y sut tracer,
C’est en les déchirant qu’il les faut effacer.