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Et qu’elle sache au moins que mon juste courroux
Dedans mon ennemi ne peut voir son époux.

Dom Ramire

Quoi, votre procédé n’étoit qu’un artifice ?

Dom Sanche

J’ai fait ce que sans doute il falloit que je fisse.

Dom Ramire

Si toujours la vengeance occupe vos esprits,
Le Ciel plus à propos n’eût pu vous rendre un fils,
Dom Alvar est vivant.

Dom Sanche

Quoi, mon fils, Dom Ramire,
Mon fils seroit vivant ?

Dom Ramire

Oui, Dom Alvar respire,
À deux cents pas d’ici je viens de le quitter.

Dom Sanche

Un plus foible rapport m’en laisseroit douter.
Mais qui l’empêche donc à mes yeux de paroître ?
Est-ce qu’en ma disgrâce il me veut méconnoître,
Que mon honneur blessé touche peu son esprit,
Ou qu’il ignore encore mon séjour à Madrid ?

Dom Ramire

Il l’ignore sans doute, et j’allois l’en instruire,
Quand surpris tout à coup au nom de Dom Ramire,
Sans me laisser parler, se tirant de mes bras :
Ah ! si l’on me croit mort, on ne s’abuse pas,
M’a-t-il dit, et la mer ne m’a laissé la vie,
Qu’afin que par l’amour elle me fut ravie,
Il a donné l’arrêt, il faut l’exécuter.
À ces mots s’échappant, sans vouloir m’écouter,
Son pas précipité, le détour d’une rue,
L’ont su presque aussitôt dérober à ma vue.

Dom Sanche

Quoi, le croyant revoir, il m’est encore ravi !

Dom Ramire

Ne vous alarmez point, un des miens l’a suivi,