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Cassandre

En l’état où je suis, que faut-il que j’espère ?
L’hymen rend dans deux jours mon amour nécessaire,
Je le dois à Fernand, et presque au désespoir,
Tout mon cœur se refuse à ce triste devoir.

Jacinte

Au moins ce grand malheur qui cause votre plainte,
Peut être surmonté par un peu de contrainte,
Et quelque aversion qu’on ait au nom d’époux,
C’est n’en haïr aucun, que de les haïr tous.
Mais d’un revers si dur ma disgrâce est suivie,
Qu’écoutant le projet où l’honneur me convie,
Il me faut étouffer les plus beaux sentiments
Que la gloire jamais permit aux vrais amants.
Car enfin c’est en vain que je le voudrois taire,
Dom Lope a des vertus dont l’éclat m’a su plaire,
Et je ne puis songer sans trouble et sans ennui
Que qui n’ose le perdre est indigne de lui.

Cassandre

Après un tel aveu vous oserai-je dire…
Mais que ne dit-on point lors que le cœur soupire,
Et que dans ses soupirs, interdit et confus,
Il parle, il s’embarrasse, et ne se comprend plus ?

Jacinte

Il n’est pas mal-aisé d’entendre ce langage,
Je vois contre l’hymen quel motif vous engage,
Qu’on n’éteint pas sans peine un feu bien allumé,
Et que vous aimeriez, si vous n’aviez aimé.

Cassandre

Je l’avoue, et jamais une plus belle flamme
Pour un plus digne objet ne régna dans une âme,
Mais las ! Que la Fortune, au moins jusqu’à ce jour,
Respecte rarement un vertueux amour !