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Dom Lope

Comme toujours ma flamme a demeuré secrète,
La peur d’un tel reproche en vain vous inquiète,
On ne soupçonne rien de cette noble ardeur
Qui m’acquit votre estime en vous donnant mon cœur,
Et chacun vous croyant dans cet hymen surprise,
Personne ne saura que l’amour l’autorise,
Qu’à des motifs d’honneur il mêle son appas.

Jacinte

Et moi, Dom Lope, et moi ne le saurai-je pas ?
Quoi ! dans ce haut dessein où la vertu m’engage,
Estimez-vous si peu mon propre témoignage,
Et ne suffit-il pas pour m’en faire une loi
Que mon cœur en secret dépose contre moi ?
Quoi qu’on cherche l’estime avec des soins extrêmes,
Des belles actions le prix est en nous mêmes,
Ce charme intérieur qui nous sait émouvoir,
Est le plus doux encens qu’on puisse recevoir.
Sans que nous dépendions de ce qu’on ose croire,
C’est par nous que s’achève ou détruit notre gloire,
Et l’éclat du dehors a peine à l’agrandir
Alors que le dedans refuse d’applaudir.
Un cœur qui d’un grand cœur aspire à l’avantage,
Doit s’oser dire tel par son propre suffrage,
S’en répondre à soi-même, et sur un tel appui
S’abandonner sans crainte à ce qu’on croit de lui.

Dom Lope

Où me vas-tu réduire, ô vertu trop austère ?

Jacinte

Mais vous êtes encore l’ennemi de mon père,
On vous accuse enfin, convainquez l’imposteur,
Et de notre disgrâce allez chercher l’auteur,
Montrez-vous innocent en le faisant connoître.

Dom Lope

Quoi, c’est aussi par moi que son bonheur doit naître,
Par moi, qui découvrant son crime aux yeux de tous,
Lui cède mon espoir, et le fais votre époux,