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Et les biens de Fernand n’ayant pu vous charmer,
C’est moi qui vous contraints, c’est moi qu’il faut blâmer ?

Cassandre

S’il vous peint mon malheur comme un malheur extrême,
C’est sur ce que Fernand en dit tout haut lui-même,
Qui tenant et l’amour et l’hymen à mépris,
N’eut jamais rien conclu s’il n’eût été surpris.
Encore tout de nouveau j’apprends qu’il s’ose plaindre
Qu’Enrique à cet hymen lui seul l’a su contraindre,
Et que sa violence et son emportement
L’ont forcé par surprise à cet engagement.
Il le fait bien paroître, on a pris la journée
Qui doit hâter ma mort par ce triste hyménée,
Dans deux jours mon malheur sous ses lois me réduit,
Et bien loin de me voir, il semble qu’il me fuit.
Si pour une maîtresse il porte un cœur sans flamme,
Quel amour espérer quand je serai sa femme ?
N’importe, c’en est fait, ayant reçu sa foi
Un lâche repentir est indigne de moi,
Et de tous les malheurs, un cœur qui se possède
Dans sa propre vertu voit toujours le remède.

Dom Lope

Ce sentiment, ma sœur, est bien digne de vous,
Je sais que de tout temps vous fuyez un époux,
Et votre aversion nous a trop fait paroître
Que vous craignez en lui de ne trouver qu’un maître.
J’ai parlé pour Fernand, mais sachez aujourd’hui
Que votre intérêt seul m’a fait parler pour lui.
Enrique est violent, et voyant qu’il vous traite,
Malgré tous mes avis, moins en sœur qu’en sujette,
Appuyant un hymen qu’on l’a vu rechercher,
Au pouvoir d’un tyran j’ai crû vous arracher,
Et qu’enfin dans le choix d’un sort toujours contraire
Vous souffririez plutôt d’un époux que d’un frère.
Je vous ai donc pressée, et je vois à regret
Que j’ai lieu de m’en faire un reproche secret.