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C’étoit peu que toujours son devoir trop fidèle
Contre ma passion eût combattu pour elle,
Quand pour la mériter je crois voir quelque jour,
Un fier motif d’honneur s’oppose à mon amour,
Et quoi qu’à mes soupirs son cœur soit favorable,
Cet honneur, ce devoir, tout est inexorable.
Dures extrémités ! Qui le croiroit, ma sœur,
Que le Ciel me traitât avec autant de rigueur,
Que pouvant espérer d’avoir pour moi le père,
La vertu de la fille à mes vœux fut contraire,
Et seule mit obstacle au plus charmant espoir
Que jamais un amant eut droit de concevoir ?
Je la perds, mais hélas ! Perdant tout avec elle,
La façon de la perdre est pour moi si cruelle,
Que toute ma constance et frémit et s’abat
Aux menaces d’un coup dont elle craint l’éclat.
Ce n’est point un rival dont l’amour préférée
Me dérobe une foi si saintement jurée,
Ce n’est point un vieillard dont l’ordre impérieux
Arrache à mon espoir un bien si précieux.
Sans qu’un Rival l’y porte, ou qu’un père l’ordonne,
Elle même s’engage, elle même se donne,
Et par ce sacrifice, à son honneur offert,
Veut être digne au moins de l’amant qu’elle perd.
Rigoureuse faveur ! Tyrannique maxime !

Cassandre

Sa résolution mérite qu’on l’estime,