Vous engagez ailleurs la foi qui m’est promise,
On conspire ma mort, votre aveu l’autorise,
J’en viens d’ouïr l’arrêt, et n’ai point éclaté,
Non qu’un reste d’amour m’en ait sollicité,
Non que de mes respects je garde la mémoire,
Mais parce que j’ai dû cet effort à ma gloire,
Et que j’eusse rougi qu’un mouvement jaloux
Eût convaincu mon cœur d’avoir brûlé pour vous.
Ah ! ne vous plaignez point où je suis seule à plaindre,
L’effort est grand sans doute où j’ai su me contraindre,
Mais je n’ai pas jugé qu’un plus bas sentiment
Méritât d’avoir eu Dom Lope pour amant,
Et comme vos vertus par leur éclat sublime
Pour gagner mon amour s’acquirent mon estime,
C’est par là seulement que j’espère à mon tour
M’acquérir votre estime, en perdant votre amour.
Vous l’acquerrez, Madame, et vous le devez croire,
Si l’infidélité mérite quelque gloire.
Si mes feux aujourd’hui vous semblent inconstants,
Suspendez votre plainte, et laissez faire au temps.
Le temps n’adoucit point des malheurs de la sorte.
Le temps vous fera voir que votre amour s’emporte,
Et qu’enfin quel que soit le dessein qu’on ait fait,
Pour en blâmer la cause, il en faut voir l’effet.
Hélas ! Et quel effet dois-je attendre du vôtre,
Quand de ce qui m’est dû l’on enrichit un autre ?
Oui, mon rival triomphe, et mon espoir est vain,
N’avez vous pas promis de lui donner la main ?
Je le ferai sans doute.