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Dom Lope

Mais quand l’âge s’oppose…

Jacinte

Ah, cessez d’y songer,
Pour venger une injure il faut la partager,
Et l’on voit rarement qu’un vieillard qu’on affronte
Sur un autre qu’un fils puisse épandre sa honte.

Dom Lope

Comme un fils la partage, un fils peut l’effacer ?

Jacinte

Sans doute qu’il le peut, mais que sert s’y penser,
Dom Alvar n’étant plus…

Dom Lope

Ah ! Permettez de grâce
Que de ce frère mort j’aille tenir la place,
Et que m’offrant pour fils à Dom Sanche outragé,
Je tâche à rendre ainsi son malheur partagé.
Il demande du sang, et brûlant d’en répandre
J’en acquerrai le droit si je deviens son gendre,
Et le mien par l’hymen dans le sien confondu
Devra celui d’un lâche à son honneur perdu.
Voila ce que pour vous l’amour me porte à faire,
Et si jusques ici ma flamme a dû se taire,
Je crains peu qu’un refus fasse rougir mon front
Quand je lui veux pour dot demander son affront.

Jacinte

Si de ces sentiments votre âme est prévenue,
Apprenez qu’en m’aimant vous m’avez mal connue,
Et que je porte un cœur assez fier, assez haut,
Pour se dérober même à l’ombre d’un défaut.
Je vous aime, il est vrai, mais l’auriez vous pu croire,
Sans croire en même temps que j’aime votre gloire,
Et que de son éclat je suis jalouse au point
De vivre sans bonheur pour n’en triompher point.
Ne vous flattez donc plus d’une vaine espérance
Qui blesse votre honneur, dont ma vertu s’offense.
Si j’eusse hier estimé le bonheur d’être à vous,
Je vous dois aujourd’hui refuser pour époux,