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Dom Lope

Oui, Madame, et chez vous si j’ose ainsi paroître,
Ne me soupçonnez point d’être parjure ou traître.
Toujours ce grand mérite est l’objet de mes feux,
Toujours mêmes respects accompagnent mes vœux,
Et s’il m’étoit permis lors que j’ai tout à craindre…

Jacinte

Parlez, parlez, Dom Lope, et sans plus vous contraindre,
Aussi bien ces respects sont pour moi superflus,
Et qui n’a plus d’honneur ne les mérite plus.

Dom Lope

Je vous entends, Madame, et le sort qui m’accable
Cherche dans vos malheurs à me rendre coupable,
Un vif ressentiment vous fait déjà penser,
Que qui sait votre honte auroit dû l’effacer,
Et ce n’est pas pour plaire à votre âme affligée
Que m’offrir à vos yeux sans vous avoir vengée.
Mais sur un bruit confus qui m’apprend vos ennuis,
Jugez ce que j’ai pu, jugez ce que je puis,
Car enfin si ce bruit, si ce confus murmure
M’eut appris l’ennemi comme il a fait l’injure,
Son trépas ou le mien vous eut déjà fait voir
Que Dom Lope vous aime et qu’il sait son devoir.
Mais ne pouvant d’ailleurs en tirer de lumière,
C’est, Madame, de vous que j’attends grâce entière,
Et qu’acceptant mon bras pour finir vos malheurs,
Vous m’apprendrez quel sang doit essuyer vos pleurs.

Jacinte

Et ne voyez-vous pas qu’en une telle offense
Vous feriez peu pour nous d’en prendre la vengeance,
Et qu’oser s’y servir d’un secours étranger,
C’est en punir l’auteur et non pas se venger.
Ce sang de l’offenseur qu’un tel affront demande
Il faut que l’offensé lui-même le répande,
Que le sien tout émeu d’un spectacle si doux
En le voyant couler bouillonne de courroux,
Et qu’un tel mouvement dans sa source agitée,
Purge l’indignité qu’il avoit contractée.