Page:T. Corneille - Poèmes dramatiques, tome 2, 1748.djvu/118

Cette page n’a pas encore été corrigée

Et qu’au défaut du sang qu’exigent nos malheurs,
À mes tristes ennuis mes yeux donnent des pleurs.
Mais si je pleure, hélas ! C’est le désavantage
Que reçoit en naissant notre sexe en partage.
Il semble qu’en effet la nature en courroux,
Mère par tout ailleurs, est marâtre pour nous,
Les plus riches présents que nous obtenions d’elle,
Sont de foibles appuis sur qui l’honneur chancelle,
On flatte nos beautés, nous croyons ce qu’on dit,
Et notre front alors n’est pas seul qui rougit,
Nous en voyons la preuve, et tous les jours infâme
Un père par sa fille, un mari par sa femme.
Défaut honteux pour nous, pour eux injurieux !
L’honneur de tous les biens est le plus précieux,
Et par un vieil abus difficile à comprendre,
Nous le pouvons ôter, et ne saurions le rendre.

Blanche

Tout le monde vous plaint, et blâme hautement
D’un ennemi caché le vil ressentiment,
On en parle par tout ; mais je vois qu’on ignore,
Par ces gens apostez, quel bras vous déshonore,
On en cherche l’auteur, sans le pouvoir trouver.

Jacinte

Et c’est moi-même à quoi je ne fais que rêver ;
Mais quoi que sur ce point mon esprit se figure,
Il dément aussitôt sa propre conjecture ;
Non qu’il ne soit trop vrai que mon père en ces lieux,
S’il n’a des ennemis, a beaucoup d’envieux.
Ce grand amas de biens qui regarde sa fille
Dont un oncle en mourant enrichit sa famille…
Hélas ! Ce souvenir réveille mes douleurs,
Au sort de Dom Alvar donnons ici des pleurs.
Aux Indes vers cet oncle allant faire voyage,
Ce frère infortuné périt par un naufrage,
Et ces riches trésors à lui seul destinez
Soudain à mon espoir furent abandonnez.
Incommodes faveurs d’une fortune ingrate
Qui m’est le plus contraire alors qu’elle me flatte,