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Enrique

Et qu’au sang des Guzman on osât reprocher
Qu’un murmure honteux n’auroit pu les toucher !
Il publie en tous lieux, ce Vieillard téméraire,
Que l’artifice seul nous acquiert un beau-frère,
Que l’hymen de Fernand est un hymen contraint,
Qu’il n’épouse ma sœur que parce qu’il nous craint,
Et qu’avec tant de bien il est hors d’apparence
Qu’un tel choix eût enfin borné son espérance.
Le Ciel ne souffre point de nœuds mal assortis,
Et s’il pouvoit prétendre aux plus riches partis,
Au moins de notre sang la gloire est peu commune,
Et vaut bien aujourd’hui la plus haute fortune.

Alonse

Si la chose est ainsi, j’avouerai qu’il eut tort,
Mais on vous aura fait peut-être un faux rapport,
Et de vos sens fougueux croire le fier tumulte…

Enrique

Dans ces occasions le lâche seul consulte,
Reculer sa vengeance, est trahir son honneur,
Et le plus prompt remède est toujours le meilleur.

Alonse

Mais souvent à leur gré les violents courages,
Pour se croire un peu trop, se forment des outrages,
En vain la raison parle, ils ne l’écoutent plus,
Et vengent des affronts qu’ils n’ont jamais reçus.
Enfin d’un vain discours dont votre honneur s’offense,
Au moins Dom Lope eut dû partager la vengeance,
Mais au déçu d’un frère…

Enrique

Ah ! Ne me blâmez point,
Je sais que son honneur à mon honneur est joint,
Mais quel que soit l’affront qu’en reçoit sa famille,
Pour se venger du père, il aime trop la fille,
Et quand de cet amour j’aurois lieu de douter,
Quoi qu’il me plaise faire, ai-je à l’en consulter ?

Alonse

Vous emporter ainsi dans ce qui l’intéresse,
C’est avec trop d’empire user du droit d’aînesse,