Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/99

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 89 —

direction d’une revue d’art très luxueuse qu’elle venait de fonder ; une de ces revues allemandes aux typographies insolites, présentant des dessins amorphes et parfaitement énigmatiques sur du papier Whatmann admirable. Il y avait, je crois, vingt-neuf abonnés. Mais ces vingt-neuf esthètes ne s’augmentèrent pas de recrues nouvelles ; et la revue expira au bout de six mois.

Plus tard, j’ai habité Copenhague. J’avais ma chambre dans un nouveau cercle de femmes qui, par la suite, devait avoir des imitateurs dans les principales capitales d’Europe. Et c’est là que se place la grande aventure sentimentale de ma vie, que je n’oserai pas consigner sur ce jaunâtre papier du Bon Marché, chaste confident de ma jeunesse : le beau Danois aux yeux de glacier profond, à la fière allure de dieu de l’Edda, planant au-dessus de l’humanité, qui m’a aimée avec exaltation — et qui était un terrible alcoolique, buvant de l’eau de Cologne et de l’alcool camphré quand j’arrivais à lui cacher son arak-punch — et qui est revenu un soir, la tête ensanglantée, d’une sombre débauche entre buveurs…