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Un petit télégraphiste, indifférent comme le Destin lui-même, est venu m’apporter une dépêche de Christiania… Mon frère aîné, que j’ai à peine connu dans notre enfance, était revenu malade chez nous voici quelque temps, rapportant, de Bornéo une de ces étranges et indéracinables fièvres qui s’incrustent dans la chair des Européens, semblent parfois guérir, et recommencent leur sournois travail de fourmi pour triompher au bout de quinze ou vingt années… Mon frère est en train d’en mourir. Je n’ai que le temps de partir si je veux le revoir vivant.

Je quitte Paris cette nuit ; par le rapide de Hambourg. J’ai fait à mes deux hôtesses, toujours effacées, et souriant par habitude, jusque dans leurs plus désolées condoléances, des adieux qui ne sont pas définitifs, car je reviendrai sûrement à Paris après les vacances d’été ; j’ai minutieusement rangé ma chambre et fait ma valise ; car je n’emporte pas ma malle, où je laisse tous mes vêtements d’hiver, inutiles désormais puisque je vais prendre le deuil. J’ai mis, parmi mes fourrures, quelques morceaux de ce camphre opalin,