Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/87

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 77 —

Je souris d’aise, malgré moi. Je viens de mettre, pour la première fois, la robe confectionnée avec l’aide de Mme Rousset et je me rends compte que je suis bien mieux qu’à l’ordinaire dans ce costume de barège mastic moulant strictement le buste, avec, au corsage, des revers brodés d’acier bleu sombre et la jupe élégamment drapée aux hanches (on ne voit plus de « tournures » à présent, et j’étais la seule à en porter encore quand je vins à Paris). Sur mes cheveux clairs, un chapeau « Tosca » jette son auréole de crin noir au large ruban bleu. Je ne suis guère coquette ; mais il ne me déplaît pas que le regard de Barral — un artiste — me dise qu’aujourd’hui je suis à mon avantage.

« Écoutez ; je crois que vous êtes en avance ; vous êtes toujours en avance, d’ailleurs ; je n’ai jamais vu une femme comme vous… Vous ne voudriez pas vous asseoir dix secondes sur cette balustrade ? ça me fera un premier plan… La Parisienne qui se fiche des anarchistes !

— Mais si, avec plaisir… »

Secrètement flattée, je m’installe en amazone sur la rampe de pierre, mon ombrelle ouverte sur l’épaule, les yeux clignés à cause du soleil, la bouche fendue dans une grimace qui veut être avenante. Je me