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Premier mai. Le quartier du Louvre est désert. Pas une voiture sur la place de la Concorde ; personne aux Tuileries si ce n’est le fondamental ami des oiseaux, indifférent à tout, qui fait son habituelle distribution aux moineaux indifférents comme lui. Les attentats anarchistes de ces jours derniers ont fait peur aux bourgeois ; ils s’enferment prudemment. Barral, que je rencontre dans la cour Lefuel, jubile d’aise et prend des photographies. Il vient à moi, la main tendue :

« Croyez-vous que c’est rigolo, hein, ce Paris désert ! J’ai pris des photos de la rue de Rivoli et de l’Opéra ; ça sera un souvenir amusant plus tard… Et alors, vous vous baladez, sans vous soucier des affreux dangers qui nous environnent ?

— Mon Dieu ! oui ; et comme vous voyez, je n’ai pas encore marché sur la bombe de Ravachol… Je ne sais pas si le cours a lieu aujourd’hui ; je vais toujours voir…

— Et c’est pour les auditeurs du père Levert que vous vous êtes faite si belle ? Car vous êtes fichtrement bien mise, aujourd’hui ! »