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J’ai une sérieuse envie de tuer Pierre Rousset. Oui, je serais vraiment étonnée si je ne causais pas un malheur à ce petit homme doux et placide. Hier, à onze heures du soir, je bouclais ma valise et commençais à me défaire les cheveux pour la nuit, lorsque j’entends frapper à ma porte, tandis que la petite voix de Rousset, au timbre bizarre, demande si on peut entrer. J’ouvre, sans seulement relever mes cheveux. Rousset est un de ces êtres parfaitement insexuels devant qui, sans qu’on sache bien pourquoi, on ne se gênerait pas plus que devant un fourneau de cuisine. Il entre, tenant un énorme parapluie d’où s’épanche un ruisseau qui géographie le plancher (car dehors une grosse pluie tiède écrase le feuillage odorant) et il me dit :

« Vous entendez ?

— La pluie ? Hé bien, oui ; mais si c’est pour me dire qu’il pleut que vous arrivez à cette heure…

— Non, mais c’est pour le voyage… ça ne peut guère aller avec un temps pareil ! Il vaut mieux remettre ça à plus tard…