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— Mais l’endroit devait être assez exposé ?

— Je crois bien ! il y a un shrappnell qui est venu dégringoler un de mes panneaux ; c’était le moins mauvais, justement ; pas de veine !…

— Vous êtes resté à Paris tout le temps du siège ?

— Oui ; je me baladais sur les remparts ; j’apportais de la soupe aux soldats, je ramassais des éclats d’obus ; je me distrayais, quoi… »

Sa voix lente et grasseyante continue, dans le silence adouci encore de crépuscule naissant, à évoquer devant nous, en termes brefs et imagés mêlés d’argot mélancolique, ce tragique hiver où la nature sembla s’unir à l’écrasant ennemi pour mater l’énergie rieuse et insolente d’un peuple qui ne voulait pas se soumettre. Cardoc avait recueilli tous les chiens et les chats abandonnés de son quartier et les nourrissait en cachette dans son grenier pour les soustraire à la faim environnante. Jusqu’au jour où il avait appris que la petite fille d’une voisine dépérissait de privations ; alors, il avait tué lui-même ses deux plus beaux chats pour les apporter aux parents de « la gosse ».

« … Ça ne l’a pas sauvée, d’ailleurs ; elle est morte un mois plus tard… Tenez ! juste là devant vous ; c’est un bout de dessin que j’avais fait de ma fenêtre :