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nillés se tortillent en équilibre sur le parapet. Des tonneaux s’entassent sur le pavé gras d’épluchures, et masquent de temps en temps l’odeur cadavérique du lieu par un âpre relent de vieille futaille.

« Ah ! c’est gentil ici ! s’exclame Barral. Et encore, comme j’ai toujours le trac des puces, je ne vous fais pas entrer dans le passage Moret, ici, à droite ; mais comme Cour des Miracles, on ne fait pas mieux.

— J’y reviendrai seule, alors ; car c’est curieux et bien imprévu. On se croirait…

— N’allez pas dire qu’on se croirait à Venise, surtout ! Chaque fois qu’on déniche quatre vieilles maisons au bord d’un canal, dans un patelin silencieux, où il n’y a pas de mouvement, pan ! c’est Venise ! Amsterdam, Dordrecht, Copenhague, la rue des Gobelins, rien de tout ça n’y coupe : un petit Venise !… Quel malheur d’être si pompier, tout de même… Par ici maintenant. Avant d’arriver chez notre bonhomme, nous allons faire un petit tour à la campagne. Seulement, il est défendu de dire qu’on se croirait en Normandie. »

Mes surprises ne sont pas finies. Nous sommes, cette fois, dans une rue de village ; d’un côté, la Bièvre, cette malheureuse petite rivière si effroyablement polluée par les tanneries ; à quelques pas de