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« Hé, mais le voilà, l’omnibus des Gobelins ! Vite, Mademoiselle, montez ; il ne s’arrête pas longtemps ici. »

C’est bon ; je monte. Nous montons. Et durant trois quarts d’heure, la titubante machine nous secoue dans un grand fracas de ferraille, l’odeur du drap rance, et les cling ! cling ! assourdissants de la sonnerie du contrôleur. Puis, au beau milieu d’une discussion sur Jean Fouquet, Barral se lève et hèle le conducteur ; nous descendons avenue des Gobelins.

Quel paysage de désolation qu’un boulevard pauvre ! Ce n’est ni le calme luxueux des avenues riches, ni l’amusante pouillerie des quartiers populaires du centre… Pas de boutiques ; pas de tapage, pas de mouvement. C’est la sagesse d’un préau de maison centrale, dosant exactement le cubage d’air, ainsi que les feuilles des arbres destinées à égayer la promenade des détenus. En ce moment, la tristesse du lieu est aggravée par un simulacre de fête foraine ; une dizaine de baraques à pain d’épice autour desquelles persiste un méphitique relent d’acétylène ; quelques tirs dont les minables poupées ont des têtes de Prussiens ; et puis, des chevaux de bois, tournant lentement dans la bise aigre, au son de la Valse des Roses, sous l’œil de trois petits pauvres qui ne se