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pépins de pomme, coiffé d’un extraordinaire bonnet esquimau à pompon orange, roule sur le gravier sa glorieuse boule de chair drue. Il me salue d’un cri de guerre sonore et se remet à racler activement la terre de ses menottes sales.

J’entre dans l’atelier ; un appentis au toit de chaume, collé comme un champignon sur le flanc de la maisonnette aux boiseries vert pomme. Il y fait déjà un peu obscur ; et le rouge disque d’un poêle qui chauffe à suffoquer, jette le reflet d’un petit soleil couchant sur le parquet noir. Une odorante fumée de tabac crispe et déroule paresseusement ses volutes bleues, qui vont flâner aux angles des parois tendues de voiles persans. Rousset — toujours en manches de chemise dans la cour — est ici en veston assez correct. Il peint. Et devant lui, sur un petit tapis carré, se tient une femme nue très brune, à la figure de charcutière, qui a des pieds et des mains rebondis et des genoux plus rouges que le reste du corps. Le torse est beau et bien musclé. Mais le jour tombant de la toiture vitrée, qui donne un éclairage de puits, creuse des fossés d’ombres noires sous sa gorge ; et c’est assez vilain. Elle se penche dans une pose qui doit signifier qu’elle se mire dans une source champêtre ; et comme le mouvement est fatigant à tenir,