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hissement, m’apprend alors que c’est une « féministe » bien connue dans le quartier, et jouissant de la même popularité goguenarde que l’ « homme des cathédrales » qui se promène autour de Saint-Séverin en costume moyen âge, et le vieux pèlerin breton du boulevard Montparnasse. Ceci me donne à penser que le féminisme, chose toute simple et naturelle dans les pays scandinaves, doit constituer encore ici une monstruosité bien insolite pour être représenté par de pareils grotesques. Drôle de ville, à la fois hardie et timide, amoureuse de progrès et routinière, bouillonnante d’idées neuves, et hostile à ce qui est nouveau ! Barral, en parlant de féminisme, a eu un petit sourire railleur qui contient tout le compact préjugé de son sexe contre les femmes, uniquement créées pour être ménagères ou courtisanes, selon la brutale phrase de Prud’hon, et la formule inavouée de tant de romanciers français, plus ou moins académiciens et « connaisseurs d’âme féminine »… Il commence à m’agacer légèrement, ce garçon.

Nous dépassons les massives arcades de l’Institut, pittoresques et dégageant une forte odeur d’ammoniaque (ces vieux quartiers sont attirants, mais indubitablement sales). Devant nous, s’étend le paysage des quais, dessiné dans une vapeur gris perle, avec