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non, je ne veux plus penser à lui. On disserte à perte de vue sur le mystère du cœur féminin. Oui ; et le cœur masculin, alors ?… Et puis, tout cela, d’ailleurs, ne vaut pas qu’on y use sa psychologie. C’est une énigme qui n’a pas de mot ; voilà tout.

Je m’affaire de tous côtés, mettant un soin extrême à classer des papiers, rassembler des vêtements, les ranger dans les compartiments de ma malle. J’ouvre ma porte pour prendre une paire de bottines que le garçon d’étage vient de déposer là après les avoir nettoyées ; et je m’immobilise soudain, en entendant une voix fraîche et gaie résonner à l’étage au-dessous, celle de la jeune Colette Barral, qui dégringole l’escalier escortée d’un robuste gars américain, lequel partage sa petite table aux repas. Je l’entends lui parler dans un anglais approximatif ; ils doivent dîner ensemble chez La Pérouse et passer la soirée à l’Opéra-Comique. Quel changement depuis l’époque où tout le monde s’ébahissait de me voir aller « toute seule » de la cité Montparnasse à l’École du Louvre !… sortir seule avec des camarades masculins !… Mlle Bol, il m’en souvient, ne se risquait jamais jusqu’au Bon Marché sans être escortée d’une petite bonne, — qui, d’ailleurs, gloussait d’un rire aigu aux plaisanteries salées que lui lançaient les garçons épiciers. Aujourd’hui,