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Une petite pluie fine vaporise la rue toute violette d’un crépuscule humide, tandis que je boucle mes derniers bagages. Cette nuit, je prendrai le train de Dieppe, puis le bateau de Newhaven ; et demain, je retrouverai à Cambridge ma maisonnette luisante et rouge, sertie d’un galon régulier de peinture blanche ; et le jardin aux allées de macadam, où il n’y a pas encore une feuille…

J’ai rangé avec un soin presque religieux, dans la malle en moleskine noire, la « belle » robe mastic brodée de bleu, le chapeau à ruban écossais, toutes les autres épaves du passé, qui vont dormir éternellement parmi les petits morceaux de camphre, pareils à des glaçons mats et veloutés. Si tout dans la vie pouvait se conserver dans le camphre, comme ces morceaux d’étoffe et ces chiffons de dentelles… Je ne rouvrirai plus cette malle, qui va s’empoussiérer tranquillement dans mon grenier campagnard. J’en ai retiré une seule chose, pour la garder avec moi : ma photo des Tuileries, avec les cheveux de Barral, dans le cadre de maroquin vert… Barral…