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galerie ; alors, me voilà clouée sur place, examinant avec une attention pleine de mauvaise foi, une rangée de marrons sculptés figurant, je crois, la tête du kaiser, du kronprinz, de Clemenceau ou autres, qui s’alignent sous une vitrine le long de la paroi. Après un temps qui me paraît long, la porte du bureau s’ouvre ; Barral, toujours en uniforme kaki, passe rapidement à côté de moi. (Il est démobilisé depuis deux mois, mais il trouve le dolman et les jambières plus seyants que le costume civil.) Je tousse bruyamment, sans vergogne ; il tourne la tête et m’aperçoit. Sa figure, préoccupée en ce moment, s’éclaire d’un indubitable contentement.

« Eh ! vous êtes là, chère amie ?

— Tiens, Barral ! Bonjour, vous allez bien ?

— Merci, pas mal… Vous savez, je suis honteux vis-à-vis de vous ; voilà quinze jours que je voulais vous écrire, mais c’est infernal la vie que j’ai en ce moment ; j’organise l’exposition de Marseille ; pas secondé du tout, d’ailleurs ; on me laisse tout sur le dos… et en même temps je publie un album sur les pays balkaniques et le sud de la Russie ; alors, voilà l’imprimeur qui nous laisse en carafe pour une question de papier ; ensuite, c’est le tirage en couleurs qui est en train de me rendre fou !… Enfin, l’éditeur