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Mais enfin, qu’est-ce que je veux de Barral, en réalité ? Mon Dieu, je ne sais pas exactement ; et j’aime mieux ne pas l’approfondir… Je sais seulement qu’il occupe mes pensées d’une manière bien gênante, et pas seulement cérébrale… Je sais que j’aurais une peine énorme à me passer de le revoir, et que rien ne pouvait m’être plus agréable que d’apprendre sa mésintelligence avec sa femme… Barral divorcé ! Barral libre de nouveau ! Ainsi qu’une foule bavarde et importune se précipite par une porte soudain ouverte et vous harcèle impérieusement de tous côtés, un essaim d’idées saugrenues se met à bourdonner dans mon cerveau. Accoudée frileusement sur les tuyaux du radiateur qui exhalent une odeur fade de peinture à l’huile chauffée, je me mets à penser à l’âge de Barral et au mien ; un an de moins, je crois ; à son caractère indépendant qui s’arrangerait si bien du mien (est-elle sotte, cette femme, de lui faire des scènes s’il passe une soirée dehors sans elle !…) ; à ma situation en Angleterre qu’il me serait bien facile de quitter ; à la jeune Colette que j’ai entrevue et qui me paraît une petite bonne femme plutôt sympathique, tout à fait capable de faire son chemin toute seule… et à la fin, pour me libérer de cette obsession ridicule, je me précipite dans le salon de