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pas au feu ; permettez qu’un peu de ma personne reste toujours à côté de vous. — M. B. »

Je reste assez longtemps immobile, les yeux fixés sur le petit rectangle de carton. Pourquoi Barral la trouvait-il ridicule, cette naïve déclaration qui a dormi, ignorée, pendant près de trente ans ? Il me semble alors que je suis une femme qui débouche un vieux flacon au parfum tout à fait évaporé, et qui cherche à ranimer les éléments de ce parfum sans y parvenir…

Je me lève soudain et vais jusqu’à la glace qui surmonte ma toilette. Je tourne le commutateur des deux appliques électriques. Longuement, froidement, je me juge dans la clarté crue. Eh bien ! oui, c’est vrai ce que m’ont dit quelques amis en Norvège ! Je suis mieux aujourd’hui que la Thyra de dix-neuf ans, maigre et dégingandée, qui marchait un peu comme un homme. Les femmes du Nord — assez tardives — se conservent bien plus tard que les Françaises ; et le visage qui est là, devant moi, uni, plein, à la roseur honnêtement naturelle ; le cou toujours élancé ; les cheveux qui n’ont pas à recourir au Fluide d’Or de Lubin, pour garder ce solide blond glacé qui faisait l’admiration de Rousset ; tout cela m’oblige à reconnaître que mes quarante-six ans