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Tandis que je me glisse dans l’obligatoire fumoir oriental, une main s’abat sur mon épaule ; je me retourne et me trouve en face de Barral. Encore un stupide battement de cœur ! décidément, je me donnerais volontiers des claques, tant je trouve bête cette émotivité de petite pensionnaire…

« Alors, chère amie, ça ne vous captive pas d’entendre du Minil sangloter la « Mort d’Hialmar » ?… Non, ne protestez pas ; ça ne vous captive pas. Je vous absous. Si on s’asseyait un moment sur ce divan, profond comme le tombeau dont parle Baudelaire ?… On peut fumer ici. Car vous avez deviné tout de suite que cette pièce est un fumoir… »

Barral me présente un paquet de cigarettes qui sentent le miel et le pain d’épice, et s’accote en arrière sur le fouillis de coussins, aux rudes broderies de filigranes très décoratives, mais tout à fait impropre au repos des membres.

« Pas mauvais, ce tabac-là, en somme… Je m’y suis habitué depuis que la maison est pleine d’Américains ; car ma fille en invite des lapées… Tenez, en voilà un dans la porte qui écarquille les yeux pour tâcher de comprendre ; c’est le seul qui écoute…

— Curieux, cet engouement subit que vous avez eu pour des gens si différents de vous !