Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/190

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sent pas les yeux des Parisiens, entraînés depuis des générations à ces aberrations mondaines…

Un crépitement d’applaudissements m’arrache à mes pensées : le ronronnement tragique de là-haut a pris fin. Beaucoup de gens s’esquivent : cela produit une trouée qui me permet de chercher un refuge moins incommode. Un petit salon relativement désert se présente à moi ; c’est une sorte de fumoir oriental, qui sent la laine et la cendre de cigarette turque. Rien n’y manque, ni les coussins par terre, ni la classique tente kabyle, relevée par deux lances, au-dessus d’un divan large et bas. L’atelier, que j’ai entrevu par-dessus les chapeaux, est rempli de tapisseries flamandes, de bahuts Henri ii, de lutrins sculptés, de vieilles armoires normandes… Hélas, pourquoi voit-on les artistes, même riches comme Barral, qui pourrait facilement réaliser des ensembles de mobiliers si intéressants, sacrifier, comme d’anciens marchands de pâtes alimentaires, au funeste goût du bric-à-brac qui a ruiné l’art industriel de nos jours ?… En quoi encouragent-ils, par exemple, l’art de la ferronnerie, celui du vitrail, celui du peintre décorateur, ou du tapissier — qui produisent cependant aujourd’hui des choses si joliment originales, — tous ces gens riches dont le mobilier vient en droite ligne de chez des brocanteurs juifs ?…