Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/188

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Avenue du Président-Wilson… rue de Magdebourg… Un petit hôtel tout blanc, sur un soubassement de granit à farouches reliefs — style 1912, — une grande baie vitrée qui domine la Seine… ça y est ; je suis devant l’hôtel de Barral. J’y suis lâchement, au jour et à l’heure indiqués. J’y suis parce que… je n’ose pas me l’avouer à moi-même, mais je me force cependant à l’écrire sur ce papier ; parce que je suis à peu près sûre que je ne reverrais jamais Barral si je n’allais pas le trouver chez lui…

Du monde plein l’escalier ; de belles dames tout en fourrures, debout, tassées, étouffées, avec la placide résignation des voyageurs du Nord-Sud. D’en haut, tombe le chevrotement cadencé d’une voix creuse, qui, d’après son intonation absolument artificielle, doit réciter des vers. Quelques phrases surprises entre gens de la même famille ; des effluves de chocolat, échappés d’une pièce au rez-de-chaussée où l’on remue de la vaisselle, me font deviner la raison de cette patience : la foule attend le moment où elle pourra se jeter sur le buffet. Sans ça, la