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Assise sur une large banquette de cuir, en face de l’officier kaki, dans la salle aux boiseries pseudo-hollandaises, basse de plafond, où la vapeur des grogs, chocolats et thés, épaissit encore la fumée des cigarettes, je parle, je parle, tâchant de m’installer bien dans mon rôle de bonne camarade sans façons, heureuse d’avoir retrouvé un ancien copain. Je dis ma rencontre imprévue avec Cardoc, et ma visite à Montmartre :

« Ah ! ce pauvre Cardoc, c’est un de mes remords, ça ! je l’ai bien délaissé depuis une quinzaine d’années… D’ailleurs, lui, ne venait jamais me voir. C’est égal ; on a tort de planter là ses anciens amis, même quand ils sont un peu bizarres… Les amitiés nouvelles, les sentiments nouveaux, c’est très bien, mais ça ne remplace pas la chaîne que forgent des souvenirs de vingt-cinq ans… »

Il s’est accoudé sur l’étroite table, tenant au-dessus d’un cendrier le mince filet bleu qui monte de sa cigarette — de marque américaine — et j’ai son visage près du mien ; ce visage ferme et mat auquel