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Un crépuscule bleu, faiblement combattu par quelques lanternes fauves, a envahi la butte, lorsque je me retrouve sur l’étrange grève de sable, derrière le Moulin de la Galette, où, pendant la saison estivale, les gens du quartier installent leurs pliants à l’abri de hautes falaises de pierre, couronnées de cabanes en planches. À cette heure, on n’y voit plus que deux ou trois couples attardés, qui ne se gênent guère les uns les autres. Je grimpe lentement la rue de Norvins ; je me retourne et m’immobilise encore une fois, le regard flottant sur l’étrange et mélancolique paysage de pierre grise… Je voudrais ne penser qu’à lui et aux êtres issus de lui, comme Cardoc et comme Mme Estelle ; et c’est toujours l’image de Barral qui se présente, impérieuse, devant mon esprit… Pourquoi ? Il est trop tard maintenant, pour celui-là ; il est devenu un étranger, très loin de moi… Il n’a aucune raison de m’intéresser…

La rue de Norvins, avec ses jardinets, s’engloutit peu à peu dans l’obscurité bleue. Il y a là, au coin de deux palissades en planches, un gros orme très vieux, qui a dû voir Henri IV venant rendre visite