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une petite conversation muette avec deux poufs et un canapé. Sur la cheminée, un Hippocrate de bronze, assis sur un cadran de pendule, repousse deux colliers de perles que lui tend l’envoyé d’Artaxercès, tout nu, à favoris courts de général Empire ; à droite et à gauche, des gerbes de monnaie-du-pape s’empoussièrent dans des vases d’onyx. Il y a, au-dessus des pincettes et du soufflet en tapisserie, quelques daguerréotypes de famille dans d’énormes cadres d’ébène en ogives ; et deux médaillons, sous verre bombé, exhibant des monogrammes en mèches de cheveux. Sur une table, à côté du massif album de photographies relié en peluche cramoisie, une bonbonnière en perles de couleur contenant des violettes cristallisées. Cette exécrable friandise, qu’on mâche comme de l’herbe saupoudrée de sable, devait pour moi constituer un petit supplice quotidien par suite de l’affable insistance que mon hôtesse mit à m’en offrir chaque fois qu’elle me voyait traverser le salon.

À travers les guipures compliquées de la fenêtre, on voit des branches, dont le feuillage jaune et ratatiné s’effrite avec un léger bruit de papier froissé. Car la demeure où je vais passer de longs mois est une petite cité provinciale, qui ressemble à un béguinage flamand ; bien inattendue, certes, à trouver dans