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Il se retourne et plante dans mes yeux la sérénité de ses prunelles claires.

« Je ne sais pas, Madame… Ah ! est-ce que vous ne seriez pas cette dame scandinave… l’amie de Marcel Barral ?

— Oui, c’est moi qui venais vous voir avec Barral, dans votre atelier de la rue de la Glacière, voici vingt-sept ans !…

— Déjà ! comme le temps marche… Attendez ; je me rappelle votre nom : mademoiselle Thyra. Vous habitez toujours Paris ? »

Je lui raconte alors brièvement mon retour au pays et ma vie passée à errer en Europe. Il m’écoute avec un sourire distrait, les yeux rivés à son panneau, sur lequel il plaque des touches légères.

« Ah ! c’est curieux la vie, c’est curieux… Tenez, regardez ce grand gars anguleux, boucané, avec sa gueule de Mohican ; est-ce qu’il n’a pas une pose épatante ?… Quel effet, hein ! sur ce fond gris ardoise… Alors, vous demeurez à Montmartre maintenant ?

— Mais non, je vous dis que je suis venue, en passant, revoir ce pauvre petit Montmartre, si dévasté…

— Oui, hein ! quelle saloperie… Moi, je suis là, rue de l’Abreuvoir…