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Non, il n’est pas mort. Il avait tout simplement changé de quartier ; c’est la seule raison pour laquelle personne ne le connaissait plus. Et je viens de le voir hier soir…

Tout en haut du charmant petit village qui domine l’immense ville, si charmant, si modeste, si drôle, qu’on le démolit méthodiquement, un pèlerinage breton a lieu, en ce moment, au Sacré-Cœur. Dans un marécage de boue glaciale, sous un ciel couleur mastic, évidemment gonflé de neige, la foule des fidèles se presse vers la forteresse circassienne, aux trois coquetiers renversés, qu’est la Basilique du Vœu National ; une foule hétéroclite, comme ce Montmartre qui n’est ni campagnard, ni parisien. Il y a là des Morbihanaises et des Finisterroises toutes raides dans leurs lourdes robes écarquillées, les faces cuites, tannées, aplaties comme des faces lapones, aux durs cheveux noirs serrés sous les bonnets à dentelles précieuses ; de petites indigènes du quartier, plâtrées de poudre et de fard à bon marché, un voile de linon jeté sur leurs coiffures selon l’esthétique de Polaire ou de Mistinguette ; des gars bronzés, aux petits