Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/138

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 128 —

ne rappliquaient pas… Alors, pendant un moment où on était tranquille, je me regarde dans mon miroir : j’étais tout plâtré de poussière, avec des yeux au jambon, les cheveux collés de sang, à cause d’un camarade dont la cervelle avait jailli sur moi ; une barbe de huit jours… ignoble enfin ! Ça m’agaçait de penser que j’allais me faire zigouiller dans un état pareil ; dame ! on fait bien la toilette aux morts pour qu’ils soient présentables… J’ai rampé jusqu’à un seau d’eau ; je me suis brossé, peigné, lavé, rasé ; il me restait même un peu de poudre pour me sucrer la figure ensuite… eh bien ! c’était tout autre chose ! Une supposition que les brancos m’auraient ramassé par terre après l’attaque, ils auraient dit : « Tiens, il était joli gosse, celui-là » ; et on aurait vu que j’étais pas un voyou… Avec tout ça, j’ai passé au travers ; et je suis resté affreux… »

Accoudée sur un coussin recouvert d’une de ces étoffes qu’avant 1913 on baptisait : cretonne bulgare, je regarde le jeune Faune de Debussy qui est en même temps un des égaux des célèbres grognards de la Grande Armée… Je le regarde ; et mon âme étrangère cherche à comprendre…