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plante là pour taper une chanson de Fursy ; qui chipe des cigarettes aux petits modèles et envoie coucher sa cousine avec une grâce insolente d’enfant gâté. Maintenant, à demi allongé sur le divan poudreux, il joue, en flûtant sa voix, une ahurissante scène de marivaudage avec un musicien aux cheveux classiquement peignés en arrière, qui lui chatouille la nuque en l’appelant « ma fifille en sucre »…

Puis, comme il revient brusquement s’asseoir à côté de moi, je lui raconte que j’ai vu à Cambridge sa photo en Faune de Debussy. Il rit, en haussant les épaules :

« Ah ! oui, tiens, c’est vrai ; je ne pensais plus à cette photo ni à Wilmore… C’était du temps où j’étais encore possible à regarder…

— Et où vous aviez vos deux jambes, surtout !

— Mon Dieu, oui ! évidemment, c’était plus commode ; mais encore, ça, je m’en arrange… on fait des jambes artificielles très bien, vous savez. Tandis que pour ce que je vous disais… ça m’a toujours ennuyé. Ainsi, tenez, je me rappelle, au mois d’avril dernier, quand les Boches se sont précipités en trombe sur nous, ça bardait ferme, du côté de Lassigny ! nous n’étions pas en nombre, et il y avait une position qu’il fallait tenir en attendant les renforts qui