Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/121

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 111 —

Notre-Dame des Champs. Je reviens sur mes pas, anxieuse ; où est donc le portail de ma petite chartreuse ?… Voici une grande maison en brique émaillée qui m’a tout l’air d’avoir pris sa place. Sur le trottoir, en face de moi, à travers la vitrine d’une chétive boulangerie, m’apparaît une tête de femme, laquelle, épaissie et vieillie, ressuscite cependant en moi un souvenir, un peu lent à s’éveiller, tant il était bien assoupi… J’entre, à tout hasard, dans la boutique. Je prends sur une soucoupe deux de ces biscuits rances que les marchands ont allègrement exhumés des vieilles boîtes où naguère on les vendait cinq sous le douzaine, pour les coter au prix des plus luxueuses friandises de Rebattet ou de Bourbonneux ; et tout en déposant ma monnaie sur le comptoir, j’interroge la patronne. Il y a trente ans qu’elle tient cette boutique ; c’est donc bien à elle que j’achetais tous les jours des croissants pour renforcer mon insuffisant premier déjeuner. Elle dit en effet me reconnaître, mais d’une voix qui décèle plutôt la politesse et la bonne volonté… Elle ne me reconnaît pas du tout.

Sait-elle ce que sont devenus les habitants de l’ancienne cité ?

« Non, Madame ; je ne pourrais pas vous dire ; je