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peu, je vois les petits clairs de lune bleus, dardés par les becs électriques de la gare d’Orsay, qui a remplacé les mélancoliques et sauvages ruines de la Cour des Comptes…

Et je vois aussi les passants s’affairer dans tous les sens, prolongés par l’ombre que reçoit le trottoir miroitant. Les femmes ont toujours leur démarche sautillante, mais désormais libérée de la jupe longue qui vous imposait un véritable esclavage. Elles exagèrent tout de même un peu, ces Parisiennes. Autrefois, c’étaient elles qui traînaient les jupes les plus longues et les plus compliquées ; maintenant, elles ont le record du minimum ; et je vois de grosses matrones sexagénaires qui montrent d’indécents mollets sous des jupes d’écolière. Et je vois aussi, hélas, des voiles de deuil ; plus de voiles de deuil encore qu’en Angleterre… Et voici un livreur monté sur un tri-porteur, dont une manche pend, inerte ; un chasseur de restaurant à jambe de bois…

Des soldats anglais : grands et beaux gaillards, pareils à mes sportifs éphèbes de Cambridge. Des soldats français, que je ne connaissais que par les photos des magazines, incontestablement moins beaux gars ; et pourtant… Il n’y a pas à dire : ils ont prouvé qu’on n’avait guère besoin d’être champion de