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giques giques. On s’arrachait les journaux. Des gens partaient précipitamment pour Londres, sans savoir au juste pourquoi. De ma fenêtre, j’entendais de passionnés dialogues entre les bonnes et le laitier ou le facteur, dans cette farouche langue galloise qui sembie faite pour être parlée, non par des gens vêtus comme tout le monde, mais par de fauves guerriers, couverts de cuir et d’airain. Un vent de tempête s’était sourdement élevé de l’Est ; et ses grondements, rasant les plaines de la Serbie, traversaient la Russie et l’Allemagne, se rapprochaient de la France, de la Belgique…

Je marchais précipitamment — moi aussi — sur la plage où les vagues venaient régulièrement abattre leur floc ! lourd, qui lance de la pluie. Le vent salé m’apporta tout à coup les cris pointus des petits vendeurs de journaux qui débouchaient d’une rue, couvrant la grève d’une galopade de pieds nus. Et ces cris me traversèrent comme d’un coup de couteau ; car j’avais refusé de croire à cela : « German troops invaded French territory near Belfort » !… « German ultimatum to Belgium !… »