Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 99 —

attestera que sa vie fut blanche comme celle d’un petit enfant. Et peut-être, après tout — on ne sait pas — s’en faut-il de peu que ce ne soit la pure vérité.

Je ne suis plus avec lui, d’ailleurs… Je suis dans l’atelier des Rousset qui sent la fumée de tabac, les vieux tapis et la peinture à l’huile… Rousset peint, le chapeau sur la tête. Mme Rousset coud une étoffe bariolée, assise à côté de Léa. La bouillotte de cuivre sifflote sa petite chanson sur le poêle. Au loin, l’orgue de Barbarie traîne les notes obsédantes de la romance de Siebel. Et, sur le tapis, se traîne avec des grognements de jeune ourson Lucien Rousset, le gros petit tas rougeaud…

Alors, c’est lui, et voici ce qu’il est devenu. Pourquoi cela m’étonne-t-il en somme ? Est-ce que je croyais, par hasard, qu’il resterait toujours le « gros petit tas rougeaud » coiffé d’un bonnet conique à pompon orange ? Voilà ; quand on a complètement quitté de vue les gens pendant longtemps, on ne s’imagine pas que la vie a aussi continué pour eux pendant ce temps-là…

Je regarde autour de moi, comme brusquement tirée d’un rêve. Au bout de la pelouse immense en peluche verte, soulignée çà et là de barrières blan-