Page:Suzanne de Callias La malle au camphre 1919.djvu/104

Cette page n’a pas encore été corrigée

J’avais commencé, à Cambridge, par m’enfermer dans un isolement assez hargneux ; d’abord à cause de mon état d’esprit du moment, et ensuite parce que je me trouvais réellement étrangère à tout ce qui m’entourait. Tel a toujours été mon lot, d’ailleurs ; et ma double nationalité a fait, qu’en réalité, je n’en ai eu aucune. À Paris, mes interlocuteurs ne manquaient jamais de me dire : « Comme vous êtes bien Scandinave ! » À Christiania, on trouvait mon style parisien ; mes conversations « terriblement parisiennes »… Enfin, je me suis déraidie peu à peu, et moi aussi j’ai donné des « tea-parties » avec des rôties et des madeira-cakes, auxquels je conviais mes élèves et les jeunes gens des collèges voisins. Parmi leurs propos gaîment honnêtes, où les observations sur la température tenaient une grande place, les réflexions de Ralph Wilmore jetaient le grain de gingembre qui venait à propos épicer la claire bouillie au riz de tous ces entretiens britanniques. Ralph Wilmore était un jeune « undergraduate » de Jesus College, cette curieuse bâtisse aux galeries sur pilotis, moins majestueuse, mais d’un charme plus intime